France-préfecture : demain dès l’aube tu iras le ticket n’attend pas

Article : France-préfecture : demain dès l’aube tu iras le ticket n’attend pas
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3 mars 2018

France-préfecture : demain dès l’aube tu iras le ticket n’attend pas

En France l’accueil en préfecture des candidats au séjour relève souvent du parcours du combattant. Les tickets distribués étant limités, avec ou sans rendez-vous, demandeurs d’asile, étudiants et résidents viennent dès l’aube.

5h30 du matin, préfecture de Melun 77, 2010. Les portes de l’administration ouvrent à 9h30 mais déjà devant les grilles une centaine de personnes forment une file anarchique. Une grande majorité d’entre elles a bravé le froid hivernal dès 2h du matin. Objectif : être les premiers à entrer afin d’être assurés d’avoir un ticket. Un passage obligé pour déposer leur dossier ou récupérer leur titre de séjour. Dans l’obscurité, des étudiants, des pères et mères de famille avec leurs jeunes enfants tentent de rester éveillés tandis que les plus chanceux se relaient. Quand l’un va se réchauffer dans leur voiture, l’autre reste à garder la place dans les rangs.

9h45 les portes s’ouvrent. Un agent tente de mettre de l’ordre dans la foule soudainement surexcitée. Les gens se bousculent. « C’est la troisième fois que je viens, j’ai dû poser ma journée ! », s’impatiente un homme. Parmi la foule des « étrangers », certains se disputent, d’autres se résignent, cernés et excédés par le manque de sommeil. Dans l’entrée voisine, les demandeurs de carte grise défilent. Ahuris, chacun d’entre eux fixe la file bruyante avant d’entrer dans la préfecture.

Deux heures plus tard à l’intérieur, le calme contraste avec le brouhaha de l’extérieur. Pour accéder au ticket, il faut montrer son passeport voire une « convocation » en cas de retrait de titre de séjour. Le précieux sésame obtenu mène enfin vers la grande salle où se trouvent les guichets.

« Il n’y a plus de ticket, revenez demain »

Le petit coupon en main il faut attendre son tour souvent pendant des heures. L’espace a l’allure de celui des urgences à l’hôpital. La tension est palpable. Les agents visiblement exténués, s’expriment nonchalamment derrière les vitres de leur guichet. À l’entrée la distribution des tickets se poursuit. Soudain le silence religieux est rompu par des cris. Un agent de la paix en uniforme traîne un homme par la jambe. Il tente de le mener vers la sortie mais celui ci se débat. La compagne de ce dernier suit les deux hommes en hurlant. Au même moment, un jeune homme s’avance vers le guichet d’accueil sans un regard pour le trio bruyant. Il adresse à l’hôtesse un sourire de politesse. «Il n’y a plus de ticket, revenez demain ». Le nouvel arrivant ne cache pas sa déception. Derrière lui, dans la foule des murmures s’élèvent. Les candidats suivants ont compris qu’ils vont devoir partir. Une autre nuit blanche les attend. Une autre file interminable, et peut-être pas de ticket.

À Bobigny dans le 93, les places dans la file se monnaient

16h, préfecture des Hauts-de-Seine Nanterre 92, 2013. Excentré de la ville, le bâtiment préfectoral est sinistre et désert. À l’entrée, un seul agent de sécurité vérifie le contenu des sacs. Devant le guichet « étrangers », dans un silence de paroisse deux hommes attendent leur tour. « Mais elle est vide cette préfecture ! », s’étonne l’un un brin ironique. « Ah parce qu’à Bobigny hein, c’est pas ça hein il paraît qu’il faut venir camper des jours avant. » Ils rient jaune. « On m’a dit que certains vendent même leurs places dans la file », ajoute le deuxième feignant la confidence. Les deux hommes échangent des rires gutturaux ponctués de banalités sur leurs conditions « d’étrangers ».

Au guichet, une jeune femme vêtue d’une chapka verte tente de déposer des documents. La préfecture de Nanterre accueille uniquement sur rendez-vous et pour les retraits de titre de séjour. Les justificatifs pour les demandes doivent être envoyés par voie postale UNIQUEMENT. « À réception, vous allez recevoir un récépissé chez vous », lâche la fonctionnaire comme pour se faire entendre de tous. Les mains remplies de feuilles de papier, chapka verte acquiesce puis s’en va. L’un des hommes lui succède au guichet.

La préfecture envoie des SMS

12h30, préfecture des Yvelines 78 Versailles, 2017. Jean, sweat et basket, ici la majorité des agents ont des visages juvéniles. Ils accueillent assis derrière la fenêtre vitrée de leur guichet. Un couple s’est installé à l’un d’entre eux. En face, une petite blonde leur sourit avant de prendre leur pièce d’identité. Pendant qu’ils discutent, une jeune femme s’approche en trottinant. Essoufflée, elle remet des documents à la fonctionnaire et récupère un récépissé. « Merci, au revoir, bonne journée. » Deux jeunes enfants jouent, tandis que des bips répétitifs sur les écrans indiquent les numéros appelés. À l’entrée, chaque demandeur est orienté vers le guichet adapté. Les agents reçoivent au cas par cas. Désormais les rendez-vous se prennent par mail et chaque « candidat au séjour » doit se présenter en fonction de son cas. L’administration envoie même des textos une fois les titres de séjour disponibles. L’ambiance détendue des lieux témoigne de cette nouvelle organisation.

6h du matin, préfecture de Versailles 78, 2018. À l’arrêt de bus, interloqués, les passants observent avec intérêt une chenille humaine de plusieurs centaines de mètres. Demandeurs d’asile, étudiants, conjoints ou parents de Français, frigorifiés attendent. Objectif : avoir un ticket.

 

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Commentaires

Mawulolo
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Demain dès l'aube à l'heure où blanchit la campagne...
Billet intéressant